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« Des bolus pour compléter mon regard d’animalier »

Qualité.Bruno Martin, qui a proposé à Nicolas Pierson de tester l’intérêt des bolus Smaxtec, examine la qualité des enrubannages, base de l’alimentation hivernale.Yanne Boloh

Ajustement. Nicolas Pierson a, pendant trois mois, placé des bolus sur dix vaches. Résultats : un meilleur ajustement des apports, notamment d’eau, même à l’herbe.

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Nicolas Pierson, installé depuis 2004, a choisi de ­produire du lait en intensifiant sa production d’herbe, sans ensilage maïs et sans mélangeuse. « Ce sont mes vaches qui me disent ce qu’elles veulent », explique l’éleveur dans l’étable, dont la travée centrale est pleine de balles rondes enrubannées : un mélange de luzerne et trèfle, ou trèfle et ray-grass… « Fin janvier, comme il faisait froid, j’ai un peu monté l’apport de concentrés énergétiques distribués en salle de traite et, moralité, les balles de ray-grass n’ont quasiment pas été touchées », illustre-t-il.

L’éleveur s’est fixé un certain nombre d’indicateurs tels que cette consommation différenciée des mélanges prairiaux ou le taux cellulaire. Avec une moyenne à 81 000 cellules sur les douze derniers mois, l’élevage est particulièrement sain. « Je n’ai aucune mammite symptomatique depuis onze ans » souligne-t-il, un constat renforcé à l’issue de la journée annuelle de parage. « Et les pattes ne disent rien non plus », sourit-il.

Dix multipares équipées pour tester le Smaxtec

Toujours à la recherche de nouveaux critères pertinents pour affiner la conduite de l’élevage, Nicolas Pierson a accepté de participer, en 2018, à une étude sur le comportement de ses animaux à l’aide de bolus Smaxtec. « Je me demandais quand même s’il n’y avait pas de temps en temps des subacidoses avec des vaches que je qualifie d’un peu molles à l’entrée sur certains paddocks. Finalement, on a pu voir qu’il y avait très peu d’acidoses et seulement ponctuelles, mais plus souvent des instabilités du pH ruminal. C’est assez logique quand elles ont du ray-grass anglais au bon stade, très riche en sucre. Ce n’est pas une question d’azote soluble, mais bien de sucre. L’année prochaine, je vais rectifier en ajoutant de la luzerne à volonté. »

Dix de ses multipares ont ainsi été équipées de bolus. L’étude a duré de la fin mars à la mi-juillet 2018 : 22 jours de pré-essai en ration hivernale dans le bâtiment, 74 jours de pâturage (mise à l’herbe le 18 avril) et douze jours de retour dans le bâtiment pendant la grande sécheresse de l’été.

Quantifier les mouvements pour être alerté

Au cours de la période de pâturage tournant, les vaches ont accès, en plus, à une complémentation au Dac et à un complément de fourrages enrubannés en libre-service.

Le premier constat porte sur les mouvements : lors de la mise en pâture, les animaux augmentent en effet leur activité de 20 à 30 %, même s’il existe une forte variation individuelle. Les bolus ont permis d’identifier une vache qui ne bougeait pas, en hyperthermie, que l’éleveur a pu dynamiser. Boiteuse, cette vache souffrait pour s’approcher de l’abreuvoir et sous-consommait dangereusement.

« Je voyais bien que cette vache n’était pas très en forme, mais ça donne une alerte encore plus claire pour la pousser vers l’abreuvoir », déclare Nicolas Pierson.

L’un des principaux intérêts de l’étude porte justement sur l’abreuvement. Les bolus révèlent ainsi que lors de la mise à l’herbe, la consommation d’eau doit rester très élevée en pâture : les vaches boivent moins souvent (huit fois par jour, contre treize fois en bâtiment), mais au moins autant en volume. Cela a incité l’éleveur à installer des abreuvoirs dans les pâtures, alimentés également par l’eau du réseau. « Auparavant, j’apportais une tonne d’eau, mais elle chauffait probablement et je pensais qu’elles buvaient assez quand elles remontaient dans le bâtiment. Mais on a pu voir que non. »

Sur la campagne, après l’installation des nouveaux abreuvoirs, la consommation globale a augmenté de 500 m3.

Suivre l’amplitude du pH

Le pH est globalement stable si on le compare à des systèmes à base d’ensilage maïs, l’amplitude moyenne était de 0,6 à 0,7 point. Lors de la mise en pâture, le pH a été inférieur à ce qui pouvait être observé dans le bâtiment avec la ration hivernale. L’amplitude quotidienne a peu varié, mais c’est le temps passé à moins de 6 qui a augmenté. L’entrée dans une parcelle d’herbe jeune, notamment en ray-grass anglais ou au stade de la repousse, entraîne des baisses de pH ponctuelles mais marquées, qui s’effacent en vingt-quatre heures.

- 3 kg de lait/VL par jour dusà un stress thermique

Lors du pâturage printanier, le taux butyreux diminue de 2 g et le taux protéique de 1 g par rapport à la période hivernale. Cette baisse est probablement due à l’instabilité du pH du rumen, avec une tendance à la subacidose, et à un déficit énergétique latent en pâture. Les vaches les plus productives sont celles dont le pH baisse le plus. La consommation du concentré énergétique en salle de traite n’a qu’un effet modéré sur le pH, dont le point le plus bas est en général atteint en début de soirée, alors que l’activité et la prise alimentaire sont importantes.

Le bolus a confirmé également le comportement individuel de certaines vaches. L’une des multipares pousse les autres pour s’approprier leur aliment au Dac : son pH est passé sous la barre de 5. Une autre « molle », chute en lait alors que dans le même temps, son comptage cellulaire s’envole : l’animal réagit peut-être avec une petite pointe de fièvre. Par ailleurs, en raison de la canicule, l’étude a complété les mesures individuelles par des mesures d’environnement. Un capteur (Climate Sensor) a été placé à l’intérieur du bâtiment pour y mesurer la température et l’humidité.

Un autre dispositif a été positionné à l’extérieur, à l’ombre, sous un bâtiment de stockage vide (sonde). L’installation confirme que le bâtiment amplifie l’indice THI (temperature humidity index), qui permet d’évaluer l’impact potentiel du stress thermique sur les animaux, avec une différence jusqu’à cinq points entre l’intérieur et l’extérieur à l’ombre. Le THI a dépassé les 68 (seuil de stress thermique) pendant plus de 40 % de la période, entre le 1er avril et le 30 août. Les capteurs installés dans ces deux zones (bâtiment, zone ombragée) ont permis de corréler ces valeurs de températures extérieures avec les évolutions du pH et de la température interne des animaux. La perte en lait est estimée à 3 kg par vache et par jour de stress thermique. L’éleveur envisage le positionnement de ventilateurs pour réduire l’impact du stress.

Yanne Boloh

© Y. B. - Pendant la période de stabulation, les balles rondes sont distribuées deux fois par semaine et positionnées de manière différente pour inciter les animaux à bouger et à tout consommer. Y. B.

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